Après sept ans de silence, l’Irlandaise revient avec Dark Sky Island. De la chanteuse, on ne sait presque rien si ce n’est qu’elle a vendu 80 millions de disques.

C’est à l’hôtel Dorchester, vénérable institution située à un jet de pierre de Hyde Park que la chanteuse Enya se prêtait exceptionnellement à des rencontres avec la presse le mois dernier. Les portes du manoir qu’elle possède en Irlande resteraient fermées pour cette fois. Tout juste consent-elle à lever le voile sur la résidence qu’elle a acquise voici trois ans dans un village de Provence. ««Il s’agit d’un havre de paix où je peux vraiment déconnecter entre deux séjours en studio», explique-telle.

Brune, mince, la voix douce, Enya – Eithne Patricia Ní Bhraonáin de son vrai nom est, à 54 ans, bien moins connue que sa musique. Voici près de trois décennies que chacun de ses albums recueille un triomphe international (elle a vendu 80 millions de disques à ce jour). Son premier tube, Orinoco Flow, avec son refrain aussi entêtant qu’éthéré a fait d’elle une musicienne célèbre. Derrière laquelle la femme continue de se cacher avec une pudeur farouche.«Ma passion pour la musique remonte à ma première prestation scénique, à l’âge de 3 ans et demi. Mon enfance a été rythmée par les leçons de piano et les concours», raconte-t-elle.

L’album Watermark, en 1988, a fait d’elle une chanteuse, alors qu’elle se destinait à une carrière instrumentale, travaillant pour le cinéma ou le théâtre. «Enregistrer un album ne faisait pas partie de mes projets», avoue celle qui travaillait sur Celts, la série télévisée de la BBC. Là, en 1987, elle été repérée par la branche britannique de la multinationale Warner. «Dès le départ, j’ai exigé d’avoir trois ans entre chacun de mes albums.» La réussite commerciale d’Orinoco Flow a pris tout le monde par surprise, alors qu’elle était une inconnue. «Le public ne savait pas s’il s’agissait d’un groupe, ou d’une chanteuse solo. Grâce à cela, je n’ai jamais eu besoin d’être célèbre pour vendre des disques.» Enya a même fait de la discrétion son arme la plus absolue.

Amatrice de Tolkien

«J’ai toujours veillé à mettre ma musique au premier plan, sans jamais chercher la gloire personnelle. J’avais près de 30 ans lorsque j’ai connu le succès, cela ne m’a pas tourné la tête», analyse-t-elle, lucide. Cela lui permet de passer le plus clair de son temps à traquer la muse dans son studio, dont elle ne sort que très rarement.

Enya fait ainsi partie des rares musiciens à ne jamais avoir effectué de tournées. «Il était question que je parte sur la route pour promouvoir mon premier album, mais l’ampleur des ventes de ce dernier a fait penser à la maison de disques qu’une tournée serait inutile, et qu’il valait mieux que j’enregistre un nouvel album dans la foulée» se souvient-elle.

Aujourd’hui, pour la première fois, la chanteuse, qui vient de sortir Dark Sky Island, son premier disque original en sept ans, envisage de jouer en public. «J’aimerais donner une prestation que l’on filmerait, au studio Abbey Road. J’adore cet endroit depuis que j’y ai enregistré la musique du Seigneur des Anneaux.» Peter Jackson a en effet contacté cette liseuse de Tolkien à composer deux titres originaux pour le premier volet de sa trilogie.

«Peter est encore plus secret que moi: il a fallu que j’aille en Nouvelle-Zélande pour assister à une projection du film avant montage. En l’absence de score, il avait synchronisé la bande son de Gladiator, composée par Hans Zimmer. N’ayant pas vu ce film, je ne comprenais pas qu’il cherche une autre musique, jusqu’à ce qu’il m’explique!»

Dark Sky Island, 1 CD Warner Bros.

Olivier Nuc | Le Figaro | 12/12/2015